Je voulais voir la mer…
Dans les années 60, j’avais 8 ans, je n’avais encore jamais vu la mer. Alors, lorsque mon père a lancé l’idée de faire un aller-retour sur la côte, j’étais partante. A cet âge, on ne se pose pas de question, le père saoul en permanence : c’était normal. Faire 100km pour se rendre sur la côte en mobylette : tout aussi normal (vous avez bien lu ). D’abord, il y a eu un premier départ vers 9h du matin. Une chute à deux pâtés de maisons, nous a contraint à repousser notre expédition de quelques heures ( le temps pour mon père de désaouler un peu ). Moi, bêtement, je me disais : ” Ce n’est pas possible, on va y aller, ce ne sont pas quelques égratignures qui vont nous arrêter “. Enfin, vers midi, on redémarre (moi, installée sur le porte-paquets, accrochée à la veste de mon père). A fond les manettes, direction la côte, via l’autoroute ( oui, là encore, vous avez bien lu ). Nous n’y avons pas fait long feu, nous nous sommes faits rappeler à l’ordre par les gendarmes : ” Cet engin n’est pas autorisé sur autoroute, de plus la gamine n’a ni siège, ni repose-pieds, veuillez prendre la prochaine sortie et un conseil, embarquez dans le prochain train “. Mon père ne l’entendait pas de cette oreille et nous avons poursuivi le voyage par les routes secondaires. Comme l’engin chauffait, les haltes étaient fréquentes, ce qui donnait à mon père l’occasion de descendre quelques bières. J’étais persuadée que nous n’arriverions jamais, car j’avais en permanence dans le nez, une forte odeur de brûler. Je compris rapidement d’où cela provenait : une vive douleur aux pieds me fit comprendre que la semelle en caoutchouc de mes souliers avait fondu sur le moteur. Pas question d’abandonner, j’ai poursuivi le voyage dans une position des plus inconfortables, les jambes ramenées à hauteur de mon cou. Nous sommes finalement arrivés, il faisait nuit, nous avons logé dans une chambre de bonne située à l’étage d’un estaminet bien sûr. Pas rassurée par l’ambiance bagarreuse du quartier, j’ai peu dormi, peu m’importait, demain je verrais la mer…